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Les tourbillons de la vie par Edel Maex
10 SEPTEMBRE 2015

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"Il y a deux façons de réagir face à la vulnérabilité de quelqu’un. Dans une relation d’abus, la vulnérabilité de l’autre est l’endroit où vous devez être. C’est là que vous pouvez le toucher. C’est là que vous pouvez dépasser sa limite. Dans une relation basée sur le respect, la fragilité de l’autre est l’endroit où vous vous arrêtez ; l’endroit où, si nécessaire, vous protégerez l’autre."

Edel Maex, qui nous fera l'immense plaisir d'être des nôtres lors de la matinée de méditation organisée le dimanche 27 septembre prochain dans le cadre des Journées Emergences, publie assez régulièrement de très beaux textes sur son blog. Grâce à l'aide généreuse de bénévoles, nous avons entrepris de les traduire en français afin d'en faire profiter un plus grand nombre.
Merci à Lydwine qui a traduit ce deuxième billet sur la vulnérabilité.


J'ai vu sur Twitter une phrase extraite de mon dernier livre : “Un maître bouddhiste ne peut jamais avoir un pouvoir plus grand que celui que ses élèves sont disposés à lui donner ». En effet, mais si vous écrivez cette phrase hors contexte, cela paraît tellement simple. Dans le contexte du récent et énième scandale de comportement abusif d’un maître  bouddhiste, on pourrait même abuser d’une telle phrase pour culpabiliser les victimes. Vous n’aviez pas à donner autant de pouvoir à l’auteur du méfait. Ce n’est malheureusement pas aussi simple.

Nous utilisons facilement des mots tels que : abus, comportement abusif, violence physique ou psychique. Mais le sens que nous donnons à ces mots n’est pas toujours aussi évident. Quelle limite est-elle dépassée, se demandait quelqu’un, celle de la loi, celle d’un code de  conduite ? Les codes et les lois sont évidemment nécessaires. Un contact sexuel avec un enfant est toujours un crime, quelles que soient les circonstances. Si un médecin entame une relation avec un patient, on est face à une violation du code de déontologie. Mais les lois et les codes ne peuvent que toucher au sommet de l’iceberg. Une grande partie reste cachée.

Et pourquoi ne parle-t-on que de l’abus sexuel? On a parfois l’impression que nous sommes plus avides de sensationnel qu’intéressés par le sort des victimes. J’ai un jour essayé d’expliquer à un maître que, si en tant que médecin je me comportais avec mes patients comme lui se comportait avec ses élèves, j’aurais de sérieux problèmes avec la commission de discipline. Il n’était pas question dans ce cas de contact sexuel mais d’aide dans le ménage, de petits travaux, de baby-sitting. Le maître  n’y voyait aucun problème. Dans sa tradition, ce type de services était inhérent au statut d’élève. J’ai beaucoup de mal à comprendre cela. Pour un médecin ou un psychothérapeute, il s’agirait d’un comportement abusif. Un maître bouddhiste est-il donc autorisé à tout, sauf au sexe ?

Un comportement abusif va bien plus loin que les lois et les règles. La limite est celle de l’intégrité personnelle de l’autre. Je ne connais pas de définition à 100% correcte de la violence ou de l’abus. La définition pragmatique que je fais mienne est la suivante : ne pas accorder le droit d’être à la perspective de l’autre. En bref, cela signifie: « Je n’en ai rien à faire que tu aimes ça ou pas, je le veux parce que moi, j’aime ça. »

Il y a deux façons de réagir face à la vulnérabilité de quelqu’un. Dans une relation d’abus, la vulnérabilité de l’autre est l’endroit où vous devez être. C’est là que vous pouvez le toucher. C’est là que vous pouvez dépasser sa limite. Dans une relation basée sur le respect, la fragilité de l’autre est l’endroit où vous vous arrêtez ; l’endroit où, si nécessaire, vous protégerez l’autre.

Un comportement abusif peut être très clair, mais également très subtil. Forcer quelqu’un à avoir des relations sexuelles sous la menace d’une arme est quelque chose de très clair. Mais si le point vulnérable de quelqu’un est son incertitude, et que vous lui racontez des choses telles que : « Tu es quelqu’un de tellement spécial, tu as une âme tellement profonde … » et ce, jusqu’à ce que cette personne devienne tellement folle qu’elle accepte toutes vos avances. Dans ce cas, aucune loi n’est transgressée. Stricto sensu, il est alors question de consentement mutuel alors qu’en fin de compte, on est toujours en présence d’un abus. Et une fois l’ivresse passée, l’autre se sentira non seulement abusé mais aussi honteux, car nous avons honte de notre vulnérabilité émotionnelle. Et cette honte nous rend encore plus vulnérables.

Personne n’a honte de ne pas avoir une peau pare-balles. Personne ne fait un problème du fait que les policiers portent un gilet pare-balles. Si nous posons la question de savoir comment la victime de violences sexuelles ou psychiques aurait pu se protéger, nous risquons de nous voir reprocher de placer la responsabilité en la personne de la victime plutôt que dans celle du coupable. Mais nous ne disons quand même pas non plus à nos enfants : suis n’importe quel adulte qui te le demande, tu n’es pas responsable s’il abuse de toi. Il est important de reconnaître notre vulnérabilité et de la prendre au sérieux.

Où est notre vulnérabilité d’élève face à un maître  bouddhiste ? En premier lieu dans le malentendu qui consiste à penser que nous ne sommes pas bons, que nous n’avons rien compris et dans l’autre malentendu qui consiste à croire que le maître  lui, a en revanche tout compris et est bon.

Combien d’écrits bouddhistes contemporains ne nous donnent-ils pas le sentiment que nous ne sommes pas bons ? Nous avons un trop grand ego, nous ne parvenons pas à nous défaire des choses auxquelles nous sommes attachés. Si on lit les textes bouddhistes anciens, on constate que Bouddha ne prend jamais ce ton-là. Le Bouddha parle toujours très concrètement. « La naissance de ceci entraîne la naissance de cela ». Il répond aux questions ou il donne des instructions claires. Le Bouddha ne menace jamais du doigt en disant que nous ne faisons pas les choses « comme il faut ».

Les banalités classiques sont l’”attachement” et l’”ego”. Sur le site de Sweeping Zen, on peut lire un poème poignant d’un des élèves de Sasaki Roshi.

Roshi, you are a sexual abuser
“Come” you say as you pull me from a handshake onto your lap
“Open” you say as you push your hands between my knees, up my thighs
fondle my breasts
rub my genitals
french kiss me

I told you I don’t like it.
I asked you why you do this?
You said, “nonattachment, nonattachment, you nonattachment

La recherche de la destruction de l’ego serait selon un auteur un élément essentiel, non seulement du bouddhisme, mais de nombreuses idées et pratiques religieuses, puis-je lire dans le Boeddhistisch Dagblad . A titre d’illustration, un texte extrait du Pali Canon.

Toutes les manifestations sont périssables.
Toutes les choses périssables mènent en fin de compte à la souffrance.
Tout est instable, sans essence permanente, sans soi”.
Ce sont là les trois caractéristiques de l’existence.

Personne ne voit cette contradiction flagrante ? Le bouddhisme ancien n’a même pas la notion d’un ego comme nous l’entendons actuellement, comment pourrions-nous alors le détruire ? Anatta, le non-soi, est une caractéristique de toutes les manifestations. C’est un point de départ, pas quelque chose qui doit être atteint. Mais cela peut devenir une arme puissante aux mains d’un maître . Tout ce que vous faites et pensez est une expression de votre ego qui doit encore être détruit. De cette manière, l’abus devient même inhérent au bouddhisme. La perspective de l’autre n’est pas quelque chose qui doit avoir le droit d’être mais qui doit être détruit aussi violemment que possible. L’opposition de l’élève en revanche n’est rien de plus que son propre ego.

Cela peut devenir une culture dans un sangha. Vous plaindre auprès de vos condisciples ne fait que confirmer que vous avez tort et combien le véritable non-moi est encore éloigné de vous. Nous pensons qu’il doit en être ainsi. Le maître  ne fait que ce que son propre maître  a fait avec lui. En devenant élève, l’élève lui en a donné l’autorisation. C’est ainsi que cela fonctionne.

Sois ton propre maître disons-nous alors. Cela semble être l’ultime reconnaissance de votre propre perspective. Mais si j’ai envie d’apprendre votre recette de la tarte aux pommes, je ne souhaite pas que vous me répondiez: “Sois ton propre maître ”. Je veux que vous me l’appreniez, ou que vous me disiez que vous voulez garder cette recette pour vous, ou que vous avouiez que vous ne la connaissez pas. « Sois ton propre maître ” peut signifier la véritable fin de toute notion d’apprentissage. Mais si je considère ma propre vie : j’ai appris des choses de tant de personnes. Je n’aurais pas voulu manquer cela.

“Sois ton propre maître ” devient vite un paradoxe assené par les maîtres très autoritaires. Si vous voulez recevoir une réponse : « sois ton propre maître  ». Si vous trouvez votre propre réponse: “c’est à nouveau ton ego”. Les paradoxes sont des figures de style qui peuvent aider à exprimer en langage courant ce qui n’est pas exprimable en langage courant, tout comme les métaphores et autres figures de style que nous pouvons retrouver dans un langage poétique. Mais ils peuvent également être mal utilisés, comme un « double bind », par lequel le maître  réussit à maintenir chaque fois l’élève dans une position vulnérable.

Nous trouvons également que l’abus aurait dû être signalé plus vite, par la victime, par d’autres personnes et responsables concernés. « Je ne pourrais plus me regarder dans un miroir si je m’étais tu », dit un avocat. Comme d’habitude, ce sont les cordonniers qui sont le plus mal chaussés . La réalité c’est qu’entretemps, beaucoup de gens doivent continuer à se regarder dans un miroir tout en s’étant tus, ou en ayant parlé et n’ayant pas été entendus ou en ayant parlé et ayant été réduits à rien.

Nico Tydeman décrit dans son livre sur la transmission comment son maître  le menaçait de lui retirer ses compétences de maître  s’il ne se conformait pas. C’est ce qui m’est arrivé il y a des années lorsque j’ai voulu interpeller un maître  à propos de son comportement. Je n’aurais plus pu me regarder dans un miroir si je ne l’avais pas fait. Le résultat fut que je fus immédiatement excommunié en public, du sangha dont faisait partie mon groupe et de l’Union boudhiste belge. Quelqu’un qui entre en conflit avec son maître  n’est pas apte à donner cours sur l’éthique bouddhiste, fut la raison qu’on me donna. Mais qui contrôle le maître ?

Allons-nous résoudre ce problème par des réglementations et des codes de conduite? Le bouddhisme possède un code de conduite vieux de 2500 ans qui ne laisse rien à désirer en matière de clarté. Cela n’a malheureusement pas empêché tout cela d’arriver. En dehors des codes, nous avons besoin de transparence. “Un maître  ne peut jamais avoir un pouvoir plus grand que celui que les élèves sont disposés à lui donner ». Pour cela, ce qu’il arrive maintenant est nécessaire : que les gens osent parler, que soit mis en lumière tout ce qui a été caché si longtemps, que les mécanismes soient dévoilés. Cette transparence me paraît être la meilleure prévention.


Emergences recommande
06 SEPTEMBRE 2015

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Emergences vous recommande ce nouveau cycle mindfulness pour enfants qui débutera prochainement à Péruwelz, dans le Hainaut. Ce cycle sera animé par Marie, enseignante formée par Eline Snel, membre active de l'association et bénévole aux Journées Emergences chaque année.
La séance d’information aura lieu le mardi 15 septembre à 19h à l’Espace Synergie (Péruwelz).
Pour tout renseignement et inscriptions: atelier.jesuisici@gmail.com

 

 

 


Emergences recommande
27 AOûT 2015

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Saviez-vous qu'il existe un programme MBCAS (Mindfulness-Based Cognitive Approach for Seniors) qui s’adresse aux aînés (65+) souhaitant cultiver les qualités d’attention et de présence bienveillantes, outils précieux pour apprivoiser les changements de l’existence et s’y acclimater, s’entourer de personnes qui passent par des étapes de vie similaires, dans un cheminement au sein d’un groupe.
La durée de huit mois permet à chacun d’avancer à son propre rythme et de s’approprier la pratique étape par étape.
Petit coup de pouce pour Claude Maskens, fidèle bénévole des Journées Emergences et Jackie Attala, qui proposent chacune ces cycles destinés aux seniors à la rentrée, tout prochainement donc !
- Le cycle animé par Claude se déroule à Gastuche (Wavre) les mardis matin. Inscriptions, dates et prix ici.
- Les 2 cycles animés par Jackie se déroulent à Bruxelles (Woluwé-Saint-Pierre et Ixelles) les jeudis et vendredis matin. Inscription, dates et prix ici.
Parlez-en autour de vous :)

 

 

 


A méditer
19 AOûT 2015

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"Ce midi, je suis allé méditer
Je suis Syrie, je suis Palestine, je suis Indian Native, je suis Charlie et tous les autres, je suis Mali
Je suis un Homme sensible à la situation d'autres Hommes.
Je sais que je ne suis pas seul
Je sais que nous ne sommes pas si nombreux
Mais il en faut peu pour faire bouger les choses.
Semons la Paix, nous la récolterons toujours
Un jour"

Merci à Yvan Nicolas à qui j'ai emprunté ces quelques lignes pour vous introduire ce nouvel extrait de la conférence de Jon Kabat-Zinn à Bruxelles, à découvrir ici :
https://www.emergences.org/pages/videos/contents/guerir-le-monde
 

 


Les tourbillons de la vie par Edel Maex
09 AOûT 2015

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"J’ai connu tellement de gens qui attendent des années sur leur coussin jusqu’à ce « qu’elle » arrive, alors que c’est quelque chose que l’on fait en cet instant : ouvrir notre esprit et notre cœur et être prêt. C’est ça, la grâce. Ce n’est pas le hasard. On ne la reçoit pas de là-haut. C’est un droit de naissance. Elle est omniprésente. On y a accès maintenant."

Edel Maex, qui nous fera l'immense plaisir d'être des nôtres lors de la matinée de méditation organisée le dimanche 27 septembre prochain dans le cadre des Journées Emergences, publie assez régulièrement de très beaux textes sur son blog. Grâce à l'aide généreuse de bénévoles, nous avons entrepris de les traduire en français afin d'en faire profiter un plus grand nombre.
Merci à Marthe qui a traduit ce premier billet sur la grâce.


Est-ce que la grâce existe dans le bouddhisme? Cette question m’a été posée dans le contexte d’un dialogue interreligieux. Mon premier réflexe a été de dire « oui, évidemment ». La grâce et la libération sont l’essence même du bouddhisme. “Tout est grâce” cite régulièrement Ton Lathouwers. Un vers du gospel “Amazing Grace”: J’étais aveugle, mais maintenant je vois (I once was blind but now I see) semble même venir directement du bouddhisme.

Lorsque je me mis à chercher la signification du mot grâce par la suite, cela devint moins simple. Sur Wikipedia, je lus : « La grâce est, dans la religion chrétienne, une expression utilisée pour décrire une faveur bienveillante accordée par Dieu à l’homme.  Les Chrétiens y voient don gratuit et tout à fait immérité par l'homme. »

Les religions sont le reflet des sociétés dans lesquelles elles apparaissent. La définition chrétienne de la grâce cadre parfaitement dans une société médiévale. Nous ne serons donc pas surpris qu’elle ne corresponde plus à notre société moderne. Dans les monarchies, comme en Belgique ou aux Pays-Bas, le roi peut toujours accorder sa grâce, même si, dans les faits, les décisions sont prises par un gouvernement élu démocratiquement.

Et qu’en est-il des cultures traditionnelles bouddhiques? L’exemple type du bouddhisme ancien est naturellement le récit d’Angulimala. Anguilimala était un tueur en série qui, lors d’une confrontation avec le Bouddha, se repent soudainement et devient moine. Quand le roi Pasenadi vient chez le Bouddha quelques jours plus tard, le Bouddha lui demande ce qu’il ferait si Angulimala devenait moine. Le roi trouve l’idée fort improbable, mais si cela devait se passer, il honnorerait comme à n’importe quel autre moine. En disant cela, il donne sa grâce à Angulimala sans s’en rendre compte. Nous sommes ici en terrain connu. La structure sociétale de l’Inde n’était pas si différente que celle que nous avons connu jusqu’au Moyen-Age.

La particularité de ce récit, est qu’au moment de sa conversion, le Bouddha voit Anguilimala tel qu’il est à ce moment précis et non, tel qu’il était jusque là, ce qui est improbable, autant chez nous qu’en Inde. C’est presque un sport pour nous de tirer impitoyablement vers le bas toute personne qui serait mise en avant, dès qu’il apparaît qu’elle a fait un pas de travers à un moment dans sa jeunesse. Peu importe comment cette personne est maintenant, si dans le passé… Tout le monde a un jour fait quelque chose qu’il ou elle n’aurait pas du faire, aussi celui qui crie le plus fort. Tout le monde regrette certaines actions, mais l’opinion publique est sans pitié.

Dans le récit d’Angulimala, cela devient encore plus fort quand il atteint l’éveil, peu de temps après. Pour les normes indiennes, c'est totalement impensable. Dans le monde hindou, il n’y a pas d’enfer éternel, mais quelqu’un comme Angulimala devrait au moins se réincarner pendant des vies innombrables en enfer avant qu’on lui accorde une nouvelle chance. Son passé n’est pas pour autant effacé. Il revient encore régulièrement couvert de sang de marches en contemplation parce que quelqu’un lui jette une pierre depuis derrière un buisson. Le Bouddha lui conseille de prendre patience.

Cela fait partie de l’essence du bouddhisme : la libération est possible à chaque instant. Karma signifie que le moment suivant est déterminé par le moment présent, mais signifie aussi que je peux prendre action dans ce même moment présent. J’ai connu tellement de gens qui attendent des années sur leur coussin jusqu’à ce « qu’elle » arrive, alors que c’est quelque chose que l’on fait en cet instant : ouvrir notre esprit et notre cœur et être prêt. C’est ça, la grâce. Ce n’est pas le hasard. On ne la reçoit pas de là-haut. C’est un droit de naissance. Elle est omniprésente. On y a accès maintenant.

Lorsqu’il atteint la Chine par la route de la soie, le bouddhisme arrive dans une toute autre société. Un des éléments fondamentaux du monde chinois est la résonance (ganying). L’observation de base est la vibration des cordes accordées d’un lut alors qu’une seule corde est frappée. De la même manière, des phénomènes accordées résonnent entre eux dans le microcosme et le macrocosme. Des inondations (trop de yin), par exemple, sont mises en relation avec trop de femmes (yin) dans des positions de pouvoir.

La tâche de l’empereur est de parvenir à l’harmonie. Si l’empereur exécute un rituel pour une bonne récolte, il doit aussi, grâce à des actes appropriés et aux couleurs assorties de ses vêtements, résonner avec les gens, avec la terre et avec les phénomènes célestes. Si ces derniers sont mis en harmonie, les conditions climatiques seront favorables, les récoltes abondantes et les gens heureux. Il est important de remarquer qu’il n’implore un dieu céleste pour obtenir une faveur arbitraire, mais qu’il participe à un phénomène tout à fait naturel. Quand le rituel est exécuté correctement, le ciel ne peut qu’y répondre favorablement.

Ces principes font alors leur entrée dans le bouddhisme. Le vœu de Bouddha Amida d’accueillir tous ceux qui l’invoquent son Royaume Pur, même les plus perdus, doit être compris comme une réponse aux souffrance infinies du monde. Notre nature est la même que celle du Bouddha. L’invocation d’Amida est une réponse de notre propre nature de Bouddha, comme un enfant qui s’est fait mal, mais qui ne pleure qu’au moment où il voit sa mère.

Lorsque nous chantons la Sutra de Guanyin: “Prends refuge dans Guanyin et plus rien ne pourra te toucher”, cela ne signifie pas qu’un être surnaturel descendra des nuages. Cela signifie que la compassion est la réponse à notre souffrance. La capacité de Guanyin à prendre toutes sortes de formes est sa capacité à répondre à ce que demande cette situation concrète. Souffrir et la compassion résonnent naturellement l’un avec l’autre.

Peut-être pouvons-nous regarder la notion de résonance d’encore un peu plus près. Si on jette une pierre dans l’eau, apparaissent des rides dans l’eau. Je ne provoque pas les rides, Elles sont la réaction de l’eau. Si je lance un morceau de pain dans l’eau, les canards arrivent en caquetant. C’est leur réaction. Le phénomène n’est pas initié par moi. L’eau, les canards m’invitent à le faire. Regardez donc les visages des petits enfants qui arrivent avec leur grand-père à vélo, chacun avec leur sac de vieux pain. Les enfants, le grand-père, l’étang, les canards participent à un ensemble résonnant, dans lequel l’un stimule l’autre. De cette manière, nous faisons partie d’un tout résonnant de manière organique, de souffrance et compassion, d’être  Bouddha et d’être humain.

En tant qu’Occidentaux, nous expliquerions cela plutôt de manière psychologique. En mindfulness, je porte une attention bienveillante et ouverte à ma douleur et ma tristesse. C’est ma souffrance, ma douceur, ma bienveillance. Cette explication psychologique a cependant des limites. Tant que je vais mal, je pense que ma souffrance est ma souffrance. Dès que ça va mieux, je peux à nouveau être ouvert à ce qui se passe autour de moi, et je découvre que ma souffrance n’est pas uniquement ma souffrance. Elle me dépasse. Je la vois partout autour de moi. Voilà qui serait une découverte insupportable, si la bienveillance ne se trouvait pas elle aussi, tout autour de moi. La bienveillance aussi me dépasse. Et ce n’est visible que si je m’ouvre. Cette ouverture, c’est la nature de Bouddha.

“Moi” n’est qu’un élément minuscule qui fait partie d’un grand tout de souffrance et de bienveillance qui résonne. D’un autre côté, il n’y a ni souffrance ni bienveillance sans le particulier. C’est toujours la souffrance concrète d’une personne particulière à laquelle répond la bienveillance concrète d’une autre personne concrète. Guanyin peut prendre toutes les formes, mais elle se manifeste dans telle ou telle forme concrète.

Quand je me prosterne face à une image de Bouddha, je participe à un geste de respect et de bienveillance. Cette image de Bouddha n’est qu'une fenêtre symbolique sur le monde. Le mouvement ne commence pas avec moi-même. L’attention douce et bienveillante qui émane de la statue, m’invite à la prosternation. En cultivant ce mouvement dans le zendo, je résonne avec respect, avec douceur, dans la reconnaissance du droit d'être. Ceci ne devient concret qu’après nombre de rencontres avec nombre d’être vivants qui viennent chaque jour sur mon chemin.

Il y a une expression bouddhique chinoise qui dit : “celui qui se prosterne et celui vers qui on se prosterne, sont ouverts de manière égale. (ouvert est ici une traduction de sunya, souvent traduit comme “vide”.) L’ouverture se prosterne vers l’ouverture, l’ouverture résonne avec l’ouverture. C’est pour ça que nous chantons dans le Soutra du Coeur: « la forme est l’ouverture (vide), l’ouverture est forme ». Il n’y a pas d’ouverture en dehors d’une forme concrète. Autrement, cela devient un vide informe, que certaines personnes aiment prendre pour l’illumination, mais qui ne fait que nous rendre étranger au monde. L’éveil reste l’éveil, jusque dans la réalité concrète.

Les cordes ne peuvent entrer en résonance quand elles sont coincées. C’est pour cela que nous méditions, pas pour atteindre quelque chose, mais pour devenir ouvert comme la caisse de résonance du lut, qui, grâce à son ouverture, peut résonner avec toutes ses cordes. Comme la cloche qui continue à sonner doucement après les bruits qui l'entourent. Nous arrivons donc à la même conclusion. Ceci est la grâce. On ne doit pas la recevoir d’en-haut. Ce n’est pas le hasard.  C’est un droit de naissance. Elle est omniprésente. Tout est grâce. On y a accès maintenant.

 

 

 


A méditer
12 JUILLET 2015

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"Ce que nous appelons 'je' n'est qu'une porte battante qui va et vient quand nous expirons et inspirons." - Shunryu Suzuki
Ce premier extrait de la conférence que Jon Kabat-Zinn a donné à Bruxelles le 24 avril dernier pose la question fondamentale du "qui suis-je ?", avec légèreté et humour.
Merci à Mélanie et Agathe de leur aide pour la réalisation de ces capsules, et à Sébastien pour la photo.
Belle semaine !
 


Des nouvelles d'Emergences
06 JUILLET 2015

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"L'esprit d'enfance est toujours neuf, repart toujours au début du monde, aux premiers pas de l'amour". - Christian Bobin
Les places pour la matinée de méditation du 27 septembre prochain sont désormais en vente sur notre site, ici.
Et, dans la foulée, nous avons aussi mis en ligne toutes les soirées de suivi proposées par Emergences jusqu'en décembre. Ces soirées (et journées de suivi) sont réservées aux personnes ayant une expérience de la méditation.
La prochaine date (soirée de suivi) est ce jeudi 9 juillet, et il reste quelques places. Avis aux amateurs ;)
Pour plus d'informations et pour vous inscrire, consultez l'agenda (accessible via la page d'accueil de notre site).
Au plaisir de vous accueillir :)


Des nouvelles d'Emergences
17 JUIN 2015

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Nous sommes heureux de vous annoncer que la conférence que Jon Kabat-Zinn a donné à l'auditoire Janson (Bruxelles) le 24 avril dernier est désormais disponible en ligne sur notre site.
Ne vous laissez pas décourager par la qualité sonore et visuelle moyenne des premières minutes, cela s'améliore très vite.
Ce sera l'occasion pour les nombreuses personnes qui n'ont pas pu y assister de l'écouter. Et pour celles et ceux qui y étaient, de profter à nouveau de ces moments de partage et de méditation.
Encore merci à Agathe pour la captation et le montage, et à tous les bénévoles présents qui nous ont permis de récolter plus de 6000 euros pour la Fondation Isabelle d'Hose et pour les cycles de méditation organisés en prison.
Bonne découverte, bons partages !

 


Emergences recommande
27 MAI 2015

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« Tu crois qu’à quatre ans on meurt trop tôt ? Moi je crois qu’on meurt tous à la fin de sa vie. De sa vie à soi. Et ça ne dure jamais le même temps pour tout le monde. Mais c’est quand même la vie. Et moi j’aime la vie. »

Anne-Dauphine Julliand a participé aux Journées Emergences 2013 qui avaient pour thème "la joie à l'épreuve de la vie".
Son témoignage autour de la maladie et du décès de sa fille Thaïs, atteinte d'une maladie incurable, avait bouleversé l'assemblée.
Depuis, elle a publié un second livre et est en train de réaliser un documentaire "Et les Mistrals Gagnants" pour lequel elle a besoin de notre soutien à toutes et tous. Projet inspiré par les mots de ce petit garçon, confronté à la maladie.
Dans ce documentaire, Anne-Dauphine et son équipe ont décidé de donner la parole exclusivement à des enfants, des enfants atteints de maladie graves, avec pudeur, sans pathos ni angélisme. Des enfants qui continuent à rire, jouer, se disputer, rêver. A aimer la vie et l’aimer même si. Et qui nous invitent, nous adultes, à vivre comme eux l’instant présent.
Vous pouvez visionner le trailer via ce lien et écouter Anne-Dauphine en parler ici.
Pour en savoir plus sur le projet, c'est ici.
Et pour soutenir l'initiative, ouverte au financement participatif, c'est sur le site de Kiss Kiss Bank Bank.


Emergences recommande
24 MAI 2015

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Il y a quelques jours, Matthieu Ricard était de passage à Liège, en Belgique à l'invitation de Steven Laureys, neurologue réputé au CHU de Liège, spécialiste des états de conscience du cerveau et directeur du Coma Science Group.
Durant deux jours, l'équipe du professeur Laureys a étudié, à l'aide d'appareils sophistiqués d'imagerie médicale, le fonctionnement de son cerveau lorsqu'il se trouve en pleine méditation.
La RTBF a réalisé un reportage sur sa visite, que vous pouvez visionner ici.
Matthieu vient par ailleurs de coordonner un ouvrage avec Tania Singer (qui était présente à nos Journées Emergences en 2011) intitulé "Vers une société altruiste".
Rendre nos sociétés plus altruistes, c'est le sujet de réflexion d'éminents scientifiques, économistes et acteurs sociaux réunis autour du Dalaï-lama (Mind & Life Institute). Chacun expose, dans son domaine, l’état des connaissances ou les initiatives en cours, puis engage une discussion sur les moyens d’introduire davantage de bienveillance au cœur de nos systèmes économiques et sociaux qui produisent chaque jour plus de déséquilibres et d’exclusions.
A lire pour envisager le futur de nos enfants avec optimisme : les récentes découvertes de la psychologie et des neurosciences montrent que l’être humain n’est pas, par nature, aussi égoïste que nous le pensions. L’altruisme aussi est dans nos gènes !


Pour celles et ceux qui voudraient écouter Matthieu prochainement, il sera présent comme chaque année aux Journées Emergences. Il ne reste déjà plus que 200 places pour notre journée du 26 septembre, inscrivez-vous via ce lien si vous voulez être des nôtres.